Barulhos

En portugais, le mot « barulhos » évoque les bruits du quotidien. Bouba Landrille Tchouda convertit ce vacarme sonore en plaidoyer dansé pour un espace de paix et de partage.

Si les petits riens auditifs tapissent la rumeur du monde, leur silence inquiète et renvoie à l’isolement, voire à l’enfermement. Cette nouvelle création de la compagnie Malka plonge le public dans un dispositif sonore immersif. La mise en mouvement des six interprètes, entre hip hop et danse contemporaine, résonne comme un appel à faire communauté. Passeuse de vibrations et brodeuse de liens, la danse devient instrument d’une quête identitaire. Une création sensible et engagée pour retisser du lien social et retrouver l’autre.

EtSi…

EtSi le corps et la machine pouvaient entrer en résonance ? Et si une danseuse et un mobile lumière pouvaient se fondre en une nouvelle matière ? Laissez-vous porter par cette œuvre chorégraphique futuriste qui crée un tournoiement hypnotique des sens.

EtSi… est un spectacle conçu par le directeur de Chaillot – Théâtre national de la danse, Rachid Ouramdane, et l’artiste pluridisciplinaire Maxime Houot. Ensemble ils subliment un corps virevoltant à l’infini, celui de la danseuse Lora Juodkaite, fidèle acolyte du chorégraphe. Ce tournoiement vertigineux répond aux mouvements giratoires de la machine MA de Maxime Houot, dont le Collectif Coin a produit la plupart des créations. Entre lumière et obscurité, cette performance aussi monumentale qu’intimiste renverse les repères de notre perception pour dessiner un paysage mouvant et abstrait. Une pièce faite de torsions visuelles et sonores où les notions de plein, de vide, de hauteur, de profondeur et d’échelle se transforment pour créer un rituel post-humaniste sous nos yeux subjugués.

Animal.
Danser avec le vivant

Un homme se mêle à quatre chevaux noirs pour danser avec le vivant. Animal parie sur le don et l’écoute entre espèces pour rêver avec éclat à un autre avenir.

Sur la scène, quatre chevaux et cinq humains s’entremêlent pour tisser un langage organique commun, entre vibrations des corps et musique vivante. Qui mène la danse entre l’homme et l’équidé ? Qu’importe, seul prime le plaisir évident de jouer ensemble au risque de se confondre. Devenir hybride, devenir centaure, tel est le rêve éveillé que Manolo poursuit depuis l’enfance. À l’écoute des propositions de chaque cheval, Kaori Ito a écrit une chorégraphie puissante, pleine de malice et de dérision pour décentrer notre regard et notre humanité. À l’heure de l’effondrement de la biodiversité, cette création raconte l’urgence d’une nouvelle relation à notre propre animalité. Entrez dans la ronde hypnotique de ce poème sauvage et sensuel, véritable cri d’alliance avec l’ensemble du vivant.

Mélisande

Classique du répertoire lyrique, l’opéra de Debussy trouve une nouvelle vie dans cette mise en scène de Richard Brunel et les arrangements de Florent Hubert portés par une distribution exceptionnelle autour de l’actrice et chanteuse Judith Chemla, magnifique dans le rôle de Mélisande.

Quand Debussy s’empare du Pelléas et Mélisande de Maeterlinck il y voit un théâtre dans lequel « les personnages ne discutent pas, mais subissent la vie et le sort ». Pour que « l’action ne s’arrêtât jamais, qu’elle fût continue, ininterrompue », il invente des personnages qui chantent « comme des personnes naturelles », recherchant une musique aussi proche que possible de la sensibilité de la langue et des émotions qu’elle exprime, une musique théâtrale. La mise en scène de Richard Brunel et les arrangements de Florent Hubert restent fidèles à la démarche de Debussy vers un « théâtre opératique », un « opéra théâtral », qui s’incarne dans la chair des interprètes. Ils offrent une lecture forte et épurée du chef-d’œuvre de Debussy, sublimée par un plateau associant Judith Chemla, le chanteur Benoît Rameau et les comédiens Jean-Yves Ruf et Antoine Besson.

Tout mon amour

Tout mon amour est la première pièce de Laurent Mauvignier, auteur de plusieurs romans d’une grande beauté. Dans une maison qui fut le théâtre d’événements tragiques, un homme (Philippe Torreton) et sa femme (Anne Brochet) reviennent après dix ans d’absence.

Lui vient enterrer son père. L’enterrement, les affaires familiales à régler, le couple aimerait faire vite, ne pas s’attarder mais une série d’événements va néanmoins le retenir… On passe, dans ce polar métaphysique, d’un lieu à l’autre, du dedans au dehors, comme on passe des vivants aux morts, de situations aux récits, des espaces vécus aux espaces mentaux. Ici point de pathos, ni de démonstration psychologique… mais la valse des silences, dénis, non-dits et souffles entre les corps qui, offerte par une distribution remarquable, nous touche au plus profond.

Le Iench

Le racisme systémique se niche dans les détails du quotidien. Récit initiatique, Le Iench ne démord pas de ce constat implacable. Sur un plateau tournoyant, décor de l’intime, Éva Doumbia déplace nos représentations traditionnelles avec cette fiction familiale.

Être blond, avoir deux voitures et un chien, quoi de plus banal ? Tout se complique quand on s’appelle Drissa et qu’on est issu d’une famille d’origine malienne en France. Son désir enfantin d’un animal domestique cristallise peu à peu une intégration inlassablement retardée et un conflit béant avec son entourage. En dessinant la trajectoire d’une famille afropéenne, Éva Doumbia sort de l’invisibilisation les personnes issues de l’immigration. Son écriture et sa mise en scène mêlent poésie et réalisme quasi cinématographique pour dépeindre l’aspiration à l’acceptation et lutte contre l’exclusion. En écho aux bavures policières et à l’affaire Adama Traoré, la metteuse en scène dédie cette pièce sensible et universelle à son frère disparu.

Pupo di zucchero
La festa dei morti

Inspirez-vous d’une tradition sicilienne, joignez une troupe cosmopolite aux talents relevés, saupoudrez de sculptures à l’étrange beauté et surtout invitez les morts de la famille à ressusciter. Bienvenue au festin truculent et poétique d’Emma Dante !

Le jour des morts, un vieil homme esseulé invite à dîner tous ses défunts. Dans leur ancienne demeure, ses chers disparus renouent avec la joie de vivre et le plaisir de se raconter. Place à un banquet aussi burlesque que magique, aussi baroque que cocasse. À partir du conte de Giambattista Basile, Emma Dante signe une fresque familiale aussi italienne qu’universelle d’une grande puissance émotionnelle. La danse macabre de Pupo di zucchero lie avec virtuosité mouvement et parole, tradition et modernité, rêve et cauchemar, acteurs et leurs doubles fossilisés par le sculpteur Cesare Inzerillo. Un spectacle total à la poésie iconographique éblouissante et à la partition rythmée. Ou le poème noir d’une artiste majeure de la scène européenne. Notre coup de cœur du Festival d’Avignon 2021.

Si vous voulez bien passer à table ?

Qu’est ce qui fait la réussite d’un repas ou la qualité d’une représentation ? Le plat, le texte, le moment, le travail exigeant de ceux qui les ont préparés ? Cuisine et théâtre partagent les mêmes codes. Vous en doutez ? Prenez place à notre table !

Au théâtre, quelqu’un nous raconte une histoire. En cuisine, quelqu’un nous prépare un repas. Cette comparaison et l’envie de rencontre et de plaisir qui l’accompagne sont le point de départ de cette ronde culinaire proposée par Grégory Faive. Dans cette création imaginée à partir de souvenirs familiaux, de recettes ou de textes d’Alexandre Dumas, Escoffier, Brillat-Savarin ou encore de Pokay et Lélette, la brigade de comédiens et comédiennes s’affaire en salle et en cuisine. La préparation prend la forme d’un ballet. La batterie d’ustensiles se transforme en instruments de percussion. Et nous sommes invités à savourer. Récemment nous avons mesuré combien ces deux arts pouvaient nous manquer. Les faire se croiser est une très belle idée !